Avoir du ventre serait plus dangereux qu'être obèse

tour de taille graisse abdominaleContre toute attente, la santé des personnes avec un poids normal mais avec trop de graisse abdominale serait moins bonne que celle des individus obèses, selon une étude américaine présentée lors du congrès de la société européenne de cardiologie.

Avoir de la bedaine: quels sont les risques ?

Source: Romy Raffin pour Le Figaro.fr

Avoir de la «bedaine» est mauvais pour la santé, ça n'est pas une nouveauté. Associé à l'hypertension ou à un excès de sucres dans le sang, l'embonpoint abdominal expose au diabète et aux maladies cardiaques, c'est ce que l'on appelle le syndrome métabolique. Beaucoup plus surprenant, une personne au poids normal mais avec un estomac bedonnant serait plus à risque qu'un obèse, d'après une étude d'envergure menée aux Etats-Unis et dévoilée lundi au congrès de la société européenne de cardiologie à Munich. Des résultats qui pourraient modifier en profondeur la prise en charge des maladies cardiovasculaires.

Ce sont près de 14 années de données sur près de 12.800 sujets âgés de 44 ans en moyenne qui ont été passées au crible par l'équipe du Pr Francisco Lopez-Jimenez de la Mayo Clinic à Rochester (Minnesota). Selon leur IMC (indice de masse corporelle), les sujets étaient classés dans la catégorie normale (de 18,5 à 24,9 kg/m2), en surpoids (de 25 à 29,9kg/m2) ou obèse (plus de 30kg/m2). Surtout, les chercheurs se sont intéressés au rapport entre la circonférence de la taille et celle des hanches, un indicateur de la répartition des graisses au niveau abdominal. Ils ont classé les individus en deux groupes selon ce ratio, normal (moins de 0,85 chez les femmes, moins de 0,90 pour les hommes) ou élevé au-delà.

La graisse abdominale la plus dangereuse

En croisant ces données avec le registre des décès américain, les scientifiques sont arrivés à des conclusions étonnantes. Chez les sujets ayant un IMC normal mais avec de l'embonpoint ventral, pour les hommes comme les femmes, les décès d'origine cardiovasculaire ont été 2,75 plus nombreux que dans la catégorie de référence (poids et rapport taille/hanches normaux) alors que la surmortalité des individus obèses à l'abdomen gras était «seulement» 2,34 plus élevée. Le phénomène s'est également vérifié pour les morts toutes causes confondues.

Comment expliquer ce paradoxe défiant la logique? On s'attendrait en effet à plus de morts dans la catégorie des obèses, ayant plus de tissu gras. D'après les chercheurs, cela tiendrait à la localisation de la masse graisseuse. Celle-ci est plutôt répartie au niveau des jambes et des hanches chez les individus obèses, tandis qu'elle s'accumule dans l'abdomen chez les personnes à l'IMC normal.

Pas plus de risque chez les sumos

«La graisse abdominale est plus dangereuse que celle du reste du corps», explique le Dr Heinz Drexel, chef du service de médecine interne et cardiologie à l'hôpital de Feldkirch (en Autriche) ayant assisté à la présentation. Pour preuve, cet expert de l'obésité abdominale cite l'exemple des sumos, qui ne sont pas plus atteints de maladies cardio-vasculaires que les autres Japonais.

Le sang provenant du tissu gras des jambes se dirige vers les orteils et repart dans la circulation générale, alors que celui de l'abdomen se retrouve directement dans le foie, qui produit des molécules augmentant la résistance à l'insuline menant au diabète, détaille le Dr Drexel.


De plus, ces graisses logées profondément dans l'abdomen (à distinguer des «poignées d'amour» situées juste sous la peau) sont plus nocives car elles sécrètent plus de substances inflammatoires. Faire de l'exercice et avoir une alimentation moins grasse restent les meilleurs moyens pour les éliminer, plus que les régimes, explique le praticien autrichien.

Surveiller la taille de sa ceinture

«Le problème serait surtout lié au style de vie», confirme le Dr Lopez-Jimenez dans une interview.Ces résultats restent donc à conforter en analysant cette fois l'activité physique et les habitudes alimentaires, «des facteurs importants à prendre en compte», ajoute le Dr Karine Sahakyan qui a contribué à l'étude.


Cette recherche apporte en tout des cas des éléments supplémentaires en faveur de l'utilisation de la circonférence abdominale plutôt que l'IMC pour estimer le risque cardiovasculaire, juge le Dr Drexel. Il a lui-même montré que l'obésité abdominale prédit le mieux le risque de récidive après un infarctus ou un AVC. Pour cette raison, le Dr Drexel conseille à ses patients de surveiller leur tour de taille, et d'aller consulter «si votre ceinture n'est plus assez longue.»