Coca Cola supprime ses investissements en France pour protester contre la taxe sur les boissons sucrées

Boisson gazeuse riche en sucre

LE LOBBYING DES FABRICANTS DE BOISSONS SUCREES GAZEUSES

Le lobby des boissons gazeuses et le groupe Coca-Cola ne digèrent pas la taxe sur les boissons à sucres ajoutés proposée par François Fillon le 24 août dans le cadre du plan d'économies. Et le font savoir.

LA CONTRE ATTAQUE DE COCA COLA POUR SUPPRIMER LA FUTURE TAXE

Coca-Cola vient ainsi d'annoncer, jeudi 8 septembre, qu'il suspendait un investissement de 17 millions d'euros prévu pour 2012 dans une usine des Bouches-du-Rhône, aux Pennes-Mirabeau. Une manière pour l'entreprise de "protester symboliquement" contre cette taxe. Et une décision relayée par une campagne menée par le groupe contre la "taxe sodas" voulue par le gouvernement.


La ponction prévue dans le plan Fillon vise à relever le droit d'accise prélevé sur les boissons à sucres ajoutés pour l'aligner sur celui du vin. Au total, ce droit devrait atteindre 4,3 euros par hectolitre de produit, et ne concernerait que les boissons à sucres ajoutés, épargnant les boissons light ou sans sucres ajoutés. La "taxe sodas" devrait se traduire par un renchérissement de 1 centime d'euro environ sur le prix d'une cannette, et rapporter 120 millions d'euros en année pleine, soit le centième du total du plan d'économies de M. Fillon, estimé à 12 milliards d'euros une fois en plein exercice.

Officiellement, la taxe est justifiée par des raisons de santé publique : les Français consomment trop de sucres, et le poids moyen de la population ne cesse de s'élever. Un argument qui semble douteux aux professionnels de santé, qui jugent la taxe insuffisante pour être dissuasive et estiment qu'il s'agit avant tout pour le gouvernement de trouver des sources de revenus.

Sans surprise, les producteurs de boissons gazeuses, Coca-Cola en tête, refusent également cette analyse. "C'est injuste. Aucune étude ne dit que Coca-Cola entraîne l'obésité, proteste-t-on au sein du groupe, joint par Le Monde.fr. Ce n'est pas un mauvais produit." De plus, ajoute-t-on, "nous avons fait des efforts et diminué de 16 % le taux de sucres dans notre boisson".

Jeudi après-midi, le ministère du budget a jugé "regrettable en termes économiques" la décision de Coca-Cola. Deux députés UMP des Bouches-du-Rhône se sont aussi élevés contre "le chantage" de l'industriel.

Plus stratégiquement, les industriels du secteur craignent que cette taxe ne soit que la première d'une série. Alors que plusieurs pays, dont les Etats-Unis ou le Canada, réfléchissent à des mesures similaires, ils craignent par-dessus tout de subir à terme le même destin que l'industrie du tabac ou les producteurs d'alcools, en étant stigmatisés et taxés en raison de leur effet néfaste sur la santé.

L UTILISATION DES RESEAUX SOCIAUX

La réaction est donc forte. Le Syndicat national des boissons rafraîchissantes (SNBR) a protesté vigoureusement, et s'est même fendu d'un sondage, qui montre que les Français désapprouvent à 58 % cette taxe.

Coca-Cola a choisi de mener une bataille. Outre l'annonce du gel d'un investissement, le groupe mène une campagne de lobbying politique assez classique, mais a également choisi d'utiliser Internet pour s'adresser directement aux consommateurs. L'entreprise admet avoir fait appel à une agence de communication pour mener son offensive, mais refuse de divulguer son nom ou le montant investi. Concrètement, le groupe a créé un compte sur la plate-forme de micropublication Twitter, @AntiTaxeSoda, et une page web déroulant ses arguments contre la taxe.

"On utilise Twitter pour toucher des relais d'opinion", explique-t-on au sein de l'entreprise. Le compte interpelle donc l'opinion, avec des messages tels que "la #taxesoda va concerner neuf foyers sur six en France. Autant dire... tout le monde ! #vousaussi". Il relaye également les articles et billets de blogs évoquant la question. Avec un succès très mitigé pour le moment : à peine une cinquantaine d'abonnés.

Taxe sodas : Bercy "regrette" la décision de Coca-Cola

Après la CGT et une députée UMP, au tour du ministère du budget de s'élever, jeudi 8 septembre, contre la décision de Coca-Cola de suspendre un investissement de 17 millions d'euros en France, en réponse à la nouvelle taxe sur les boissons à sucres ajoutés du plan antidéficit du gouvernement.


Jeudi après-midi, le ministère du budget a jugé "regrettable en termes économiques" la décision de Coca-Cola. "C'est une décision regrettable en termes économiques, mais qui ne peut pas être liée à l'augmentation de 1 centime d'euro sur les sodas à sucres ajoutés, qui est motivée par un objectif de santé public, a indiqué Bercy. Cette taxe de 1 centime ne met pas en danger cette industrie."

Pour "protester symboliquement" contre la nouvelle taxe sur les boissons à sucres ajoutés annoncée le 24 août par le premier ministre, François Fillon, dans le cadre du plan d'austérité, le producteur américain de boissons sans alcool Coca-Cola a annoncé jeudi qu'un important investissement prévu en 2012 dans son usine des Bouches-du-Rhône était remis en question.

"UN CHANTAGE" DE COCA-COLA

Cet investissement de 17 millions d'euros, portant sur la rénovation d'une ligne de production de canettes, devait être officialisé le 19 septembre, à l'occasion de la célébration des 40 ans de l'usine des Pennes-Mirabeau. "Celui-ci n'est pas annulé, mais il doit être réévalué dans le contexte d'incertitude créé par la taxe", annonce le groupe dans un communiqué. La taxe doit être discutée dans les semaines à venir dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Coca-Cola attend de voir comment se déroulera le vote au Parlement, a précisé une porte-parole.

Jeudi après midi, deux députés UMP des Bouches-du-Rhône se sont élevés contre la décision de Coca-Cola. Valérie Boyer s'est dite "absolument choquée et scandalisée" par "le chantage" de Coca-Cola, qui, selon elle, n'a pas à se mêler des politiques de santé publique. "Rien n'empêche cette entreprise de faire des efforts sur des boissons non sucrées qui font aussi partie de ses ventes", a-t-elle estimé.

De son côté, Bernard Reynès, autre député UMP des Bouches-du-Rhône, "trouve" également "ce chantage inacceptable".

"ÇA FAIT UN PEU PEUR"

En réaction, un syndicaliste CGT de Coca-Cola, joint par Le Monde.fr, s'est dit préoccupé : "Les salariés sont inquiets car ils sentent que ce n'est pas bon pour l'avenir du site. Ça fait un peu peur", souligne Christian Locastro, délégué syndical Coca-Cola pour la zone sud.

La décision de Coca-Cola avait été annoncée mercredi soir lors d'une réunion des délégués centraux de l'entreprise. La direction semblant attendre maintenant le vote de la mesure par le Parlement, le syndicaliste CGT s'interroge sur la suite: "L'investissement est-il juste suspendu pour faire pression ou sera-t-il remis en cause ?" L'annulation de la venue de John Brock, président de Coca-Cola Enterprises, pour les 40 ans du site, renforce cette incertitude.

CONTRE LA "STIGMATISATION DES BOISSONS SUCRÉES"

La direction de l'entreprise l'a justifié en déclarant : "Nous entendons ainsi protester symboliquement contre une taxe qui sanctionne notre entreprise et stigmatise nos produits", explique Coca-Cola, qui "réaffirme son opposition vigoureuse à toute forme de stigmatisation des boissons sucrées et à leur assimilation à d'autres catégories de produits tels que le tabac".

Matignon a justifié l'instauration de cette taxe au nom d'une nécessaire lutte contre l'obésité, rappelant que le poids moyen des Français a augmenté de plus de 3 kilos entre 1997 et 2009. La taxe qui doit entrer en vigueur début 2012 devrait rapporter 120 millions d'euros à l'Etat. Elle devrait renchérir le prix de la canette d'un centime d'euro en moyenne, selon les industriels du secteur.

Implanté en France dans l'entre-deux-guerres, le groupe américain emploie 3 000 salariés répartis sur cinq sites de production en France. Le site des Bouches-du-Rhône, le deuxième en terme de production, compte 203 employés et trois lignes de production. Il a fait l'objet de 45 millions d'euros d'investissements depuis cinq ans, selon le communiqué.