Fin de vie: que dit le rapport Sicard?

fin de vie euthanasieDéputé UMP et ancien ministre du gouvernement Fillon, Jean Leonetti est l'auteur de la loi sur la fin de vie. Il commente les conclusions très attendues du rapport que Pr Didier Sicard a remis mardi matin à François Hollande.

Ce rapport ouvre-t-il la voie au suicide assisté en France?

Une voie étroite est ouverte dans un rapport qui défend très largement la loi actuelle sur la fin de vie et s'oppose sans ambiguité à l'euthanasie. Il évoque le suicide assisté «à la mode Oregon», un État américain où cette pratique est autorisée depuis une quinzaine d'années. La personne reçoit une ordonnance pour un produit létal dans des conditions précises. Il faut notamment qu'elle soit dans les six derniers mois de sa vie, qu'elle passe devant un comité médical qui définit sa lucidité et vérifie sa volonté. La personne malade garde le produit chez elle et l'utilise quand elle veut ou ne l'utilise pas.

Quelle différence avec la législation suisse sur le suicide assisté?

Par rapport au suicide assisté tel qu'il est pratiqué en Suisse, l'autonomie de la personne est mieux respectée. Il s'agit vraiment d'une initiative personnelle et la prise de décision se fait en fin de vie, voire en phase terminale. Le cas de Vincent Humbert, le jeune homme tétraplégique qui demandait à en finir, ne correspond pas aux critères du suicide assisté «à la mode Oregon». Une personne qui considère que sa vie ne vaut pas la peine d'être vécue non plus. Cette forme de suicide est réservée aux personnes en fin de vie.

Est-ce un compromis pour satisfaire les tenants des soins palliatifs et les partisans de l'euthanasie?

Ce n'est pas un compromis à mes yeux car je pense que la société ne doit pas favoriser le suicide. Dire aux gens malades qu'ils peuvent partir plus vite, même en fin de vie, c'est une rupture sociétale, une rupture de solidarité vis à vis des plus vulnérables. Cependant, certains médecins de soins palliatifs n'y sont pas défavorables.

Cette piste pose aussi l'épineuse question: faut-il réanimer les suicidés d'un côté et faciliter le suicide de l'autre? Je suis réticent au suicide assisté «à la mode Oregon», -du nom de l'Etat américain qui le pratique déjà-, même si je reconnais que c'est la moins pire des législations sur l'accélération de la mort en vigueur dans le monde. Mais elle a au moins le mérite de dissocier l'acte médical d'accompagnement de l'acte de donner la mort. C'est le malade qui se donne la mort, pas le médecin qui achève le mourant.

Le rapport pointe aussi la non-application de la loi actuelle sur la fin de vie...

C'est en quelque sorte un plaidoyer pour cette loi, un cri d'alarme sur sa non-application et sur l'inquiétude des Français vis à vis de la fin de vie. Dans sa conclusion, le rapport préconise d'ailleurs d'appliquer les lois anciennes - celles de 2007 mais aussi la loi Kouchner de 2002 - avant d'en faire de nouvelles. Le plus gros du rapport préconise de ne pas légiférer mais de faire appliquer ce qui existe. En outre, le Pr Sicard ferme la porte à la possibilité de l'euthanasie comme au Benélux et à une ouverture au suicide à qui le veut comme en Suisse.

François Hollande s'était engagé lors de sa campagne à ouvrir «une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité à toute personne majeure en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable». Le rapport Sicard reprend-il cette promesse?

Les mots sont assez flous pour correspondre à plusieurs cas de figure, y compris à la loi actuelle sur la fin de vie. L'ambiguité n'a jamais été levé et le mot euthanasie n'a jamais été prononcé.

Source: Propos de Jean LEONETTI recueillis par Le Figaro