La première fabrication de globules rouges humains à partir de cellules souches

Globules rouges humains fabriqués à partir de cellules souchesUne première en terme de santé. Des Français ont réussi à fabriquer des globules rouges humains à partir de cellules souches et à les transfuser.

C'est une étape décisive dans la recherche de substituts sanguins. Transfusés pour la première fois chez l'homme, des globules rouges fabriqués en laboratoire à partir de cellules souches se sont montrés aussi performants que des globules naturels. Ces résultats, obtenus par l'équipe du Pr Luc Douay (hôpital Saint-Antoine, Université Pierre et Marie Curie, Paris) dans le cadre d'un partenariat avec l'Établissement français du sang, sont publiés jeudi dans la revue spécialisée Blood, organe de la société américaine d'hématologie.

Avec les progrès de la médecine et le vieillissement de la population, les besoins transfusionnels sont en constante augmentation dans la plupart des pays. Actuellement, chaque année, 90 millions de culots globulaires sont nécessaires dans le monde, et 500 000 personnes sont transfusées en France. Pour prévenir les inévitables pénuries des années à venir, de nombreux chercheurs se sont lancés dans le défi du sang artificiel. Mais jusqu'ici, les diverses tentatives se sont soldées par des échecs. Ainsi des hémoglobines artificielles, qui après avoir été testées sur des milliers de patients, se sont révélées toxiques pour le cœur, avec un risque accru de 30 % de décès par infarctus. La publication de ces données, en 2008, a sonné le glas de cette génération de molécules, dont certaines étaient déjà en cours de commercialisation.

Une première mondiale chez l'homme

C'est une toute autre approche, utilisant des cellules souches, qu'a choisi le Pr Douay. Ces dernières années, les travaux préliminaires de son équipe, pionnière sur le sujet, ont montré que plusieurs types de précurseurs pouvaient être cultivés et différenciés en laboratoire pour obtenir des globules rouges : cellules issues de sang de cordon, de la moelle osseuse, du sang périphérique ou cellules embryonnaires, voire cellules IPÉS - ou cellules souches adultes pluripotentes, qui offrent d'aussi riches possibilités que les cellules souches embryonnaires.

Pour cette première mondiale chez l'homme, les chercheurs français ont fait appel à des cellules souches adultes provenant d'un donneur de cellules souches pour une greffe de moelle osseuse. Celles-ci ont été cultivées dans un milieu adapté (avec un cocktail de facteurs de croissance) pour favoriser leur multiplication et les diriger vers un destin de globule rouge. En trois semaines, 100 milliards de réticulocytes -ultime étape avant les globules rouges- ont ainsi été obtenus. Marquées avec du chrome radioactif (pour que les chercheurs puissent suivre leur devenir), ces précieuses cellules ont été injectées au volontaire. Là, elles ont terminé leur maturation et ont survécu aussi longtemps que des globules rouges naturels.

Les avantages du sang de cordon

«Avec cette expérience, nous avons établi la preuve de concept, se réjouit le Pr Douay. Le défi est maintenant de passer à une phase industrielle». De fait, ce premier test a été réalisé avec un échantillon de 2 millilitres soit 100 milliards de globules rouges, quand une poche de sang représente un volume de 400 ml et 2000 milliards de cellules.

En vue d'une production à grande échelle, les chercheurs français envisagent plusieurs possibilités, dont celle de se tourner vers les cellules de sang de cordon, dont la capacité de prolifération est bien supérieure à celle des cellules souches adultes. «D'après nos résultats en laboratoire, un sang de cordon pourrait générer 50 à 100 culots globulaires» précise le Pr Douay.

L'équipe planche aussi sur l'optimisation des systèmes de compatibilités entre donneurs et receveurs. «Il n'y a pas seulement les groupes ABO, poursuit l'hématologue. Il existe au total plus de 300 antigènes, mais en les choisissant astucieusement, on peut couvrir 99 % des besoins avec seulement trois types de sang. Ceci sera possible en partant de cellules souches pluripotentes adultes (iPS). C'est la voie en laquelle nous mettons le plus d'espoir». Si cette stratégie confirme ses promesses devant les années à venir, elle sera, selon le Pr Douay, d'abord proposée chez les polyimmunisés, ces patients qui ont reçu tant de transfusions qu'ils ont développé de multiples anticorps et rejettent tous les globules qui leur sont injectés. En France, ils représentent 1 à 3 % des transfusés, soit 25.000 transfusions par an. D'ici là, les dons de sangs restent toujours indispensables.