Complément alimentaire : le petit sachet qui peut sauver la Somalie

Le Programme alimentaire mondial a commencé à envoyer 100 tonnes d'un complément alimentaire révolutionnaire à Mogadiscio. Un produit fabriqué par des Français.

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C'est un petit sachet orangé et argent que l'on pourrait facilement prendre pour un médicament. On n'aurait d'ailleurs pas totalement tort. À la différence près que ce sachet est avant tout un aliment, et qu'il peut nourrir à lui seul un enfant pendant près de 24 heures. Le Plumpy'Sup, c'est son nom, est le nouveau produit de prédilection des organisations humanitaires lorsqu'elles interviennent dans des situations de famine. "On en utilise de plus en plus", confirme Marie Wentzell, porte-parole du Programme alimentaire mondial, le PAM, qui vient précisément de lancer un pont aérien inédit à destination de la Somalie. À bord du premier avion, qui a décollé mercredi de Nairobi, au Kenya voisin, dix tonnes de Plumpy'Sup. "Cent tonnes sont prêtes à être expédiées", précise la porte-parole du PAM. "De quoi nourrir 35 000 enfants pendant un mois", ajoute-t-elle.

Quel est donc ce produit miracle ? Techniquement, c'est une pâte, à base d'arachide, présentée comme un "supplément nutritionnel prêt à consommer". En réalité, c'est un concentré de micro-nutriments et de vitamines, un petit sachet de 92 grammes contenant 500 kcal. Un "aliment thérapeutique", selon la définition du "père" de Plumpy'Sup, Michel Lescanne. Cet ancien ingénieur agro-alimentaire a tout plaqué, en 1986, pour fonder Nutriset, une entreprise familiale basée en Normandie, et vouée à faire de la "nutrition utile". Tourné vers l'humanitaire, il décide de développer des produits susceptibles de venir en aide aux populations touchées par la famine. En 1996, débarque Plumpy'Nut, une innovation destinée à faire face aux malnutritions aiguës des enfants en bas âge (moins de cinq ans). Une première mondiale, adoubée par l'OMS. En découlera toute une gamme de produits, dont Plumpy'Sup, dédié aux cas de malnutrition "modérée", ce qui est encore le cas des enfants somaliens qui affluent dans les camps de réfugiés.

Concrètement, à raison d'un sachet par jour, un enfant souffrant de graves carences alimentaires est "tiré d'affaire" en trois semaines, assure Michel Lescanne. Une promesse confirmée par le Programme alimentaire mondial, qui a déjà largement utilisé le produit en Haïti, après le séisme de janvier 2010. Mais la stratégie de Nutriset ne s'arrête pas là. L'entreprise normande, qui emploie 140 personnes à Rouen, a décidé d'ouvrir ses brevets à tout un réseau de producteurs locaux. Ainsi, Addis-Abeba produit de manière autonome près de 80 % des besoins de l'Éthiopie en Plumpy'Sup. "C'est notre unique stratégie : localiser au maximum la production, et consacrer entièrement l'usine française aux demandes urgentes, comme c'est le cas en Somalie ou en Haïti", explique le fondateur de Nutriset. L'entreprise se dit capable de produire 250 tonnes de son aliment miracle par jour, si une catastrophe l'exige. À la clef, une véritable aubaine pour les ONG, et un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros pour l'entreprise. Confortable, mais bien loin des milliards affichés par les géants de l'industrie pharmaceutique. L'humanitaire à visage humain.