ENFANTS ET MEDICAMENTS : RESTEZ VIGILANTS

Enfants et médicaments : attention au surdosage, rester vigilantsEtiquetages ambigus ou trompeurs, indications insuffisants, notices insuffisamment précises ou lisibles, absence de bouchons de sécurité, comprimés sucrés, fruités et de couleur vive... Trop souvent ce sont les enfants qui en sont les victimes. Tel est le cri d’alerte de la revue Prescrire dans son numéro de juin : le conditionnement des médicaments destinés aux enfants est peu fiable car rien ne figure sur ce sujet dans la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament de fin 2011. La revue spécialisée a adressé ses propositions à l'Agence européenne du médicament et à son homologue française, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Son but : améliorer la réglementation pédiatrique européenne et son application.

Attention au surdosage

"Beaucoup trop de conditionnements de médicaments pédiatriques sont sources de pièges à éviter lors de leur usage et beaucoup trop de médicaments dangereux sont trop facilement accessibles aux enfants", indique la revue, qui a analysé les conditionnements de plus de 5 000 spécialités pharmaceutiques depuis le début des années 1980. Elle évoque par exemple sur son site le cas du Losartan (Cozaar, autorisé chez les enfants pour l'hypertension artérielle), dont le dosage indiqué présente, selon cette enquête, des "défauts". La grande majorité des dispositifs doseurs des médicaments liquides (buvables ou injectables) examinés depuis trente ans est ainsi jugée "imprécise et/ou inadaptée et souvent sources d'erreurs de préparations". En outre, "dans le domaine de l'automédication pour les enfants, l'insuffisance de qualité des dispositifs doseurs est trop fréquente, y compris avec des substances dangereuses", ajoute la revue, comme la présence d'opoïdes dans les sirops antitussifs. Aussi selon une étude effectuée par un centre antipoison suisse sur 203 cas d'ingestion accidentelle de paracétamol par des enfants, ces derniers ont ingéré deux fois plus de comprimés quand la forme était orodispersible (le comprimé se désagrège en quelques secondes dans la bouche). Le paracétamol, le médicament universel pour le traitement des douleurs ou de la fièvre peut ainsi être à l'origine de surdoses toxiques, voire parfois mortelles, en cas d'ingestion accidentelle.Certains étiquetages sont considérés comme ambigus, notamment sur la concentration des formes liquides. Pour certains médicaments, les laboratoires se contentent d'indiquer une dose en « cuillère à soupe ou à café », alors que la contenance varie d'un modèle de cuillère à l'autre ou proposent des gobelets qui peuvent pousser à la surdose. Des mesures graduées peuvent donner l'impression d'être précises alors qu'elles sont souvent mesurées en millilitres, alors que les prescriptions se font en milligrammes et nécessitent donc des conversions peu fiables. Et même lorsque les laboratoires pharmaceutiques fournissent des "cuillères mesure", elles ne sont pas toujours adaptées. « On prescrit en fonction du poids de l'enfant. Du coup, on se retrouve avec des demi ‘cuillères mesure’. C'est assez difficile à expliquer aux parents », explique le Dr Rousseau, pédiatre, à Europe 1. Autre problème, les médicaments conditionnés à des dosages destinés aux adultes et prescrits pour un usage pédiatrique, comme par exemple ceux présentés sous forme de sachets de poudre pour solution buvable. La notice « stipule d'administrer le quart ou la moitié d'un sachet selon l'âge » de l'enfant, précise la revue. « Mais la notice ne donne aucun conseil pour la préparation précise des quarts de dose ni des demi doses », dénonce l'article.

Effets indésirables

Prescrire pointe aussi la banalisation des dosettes pour nettoyer les yeux, les plaies, etc., des nourrissons, conduisant à des erreurs. Par exemple, instiller de la chlorhexidine (antiseptique) dans le nez à la place du sérum physiologique provoque des effets indésirables sérieux. De même, les enfants seraient trop peu protégés des effets nocifs de certains excipients. "L'état des lieux des conditionnements pédiatriques est préoccupant, les enfants sont trop en danger", conclut le journal.Mais le problème ne s'arrête pas aux enfants. Les étiquetages peu lisibles et les notices insuffisantes s'avèrent également dangereux pour les femmes enceintes ou les enfants à naître. Sur les notices examinées par Prescrire en 2011, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS : ibuprofène, diclofénac...) ne sont contre-indiqués qu'à partir du 6e mois de grossesse, alors que les données relatives aux AINS sont en faveur d'un risque accru pour le fœtus dès le premier trimestre.Selon le mensuel indépendant, les laboratoires pharmaceutiques, qui conçoivent les conditionnements, et les agences du médicament, qui les autorisent, ne jouent pas toujours le jeu. "Le marché reflète leurs manquements ou leur indifférence à cet aspect essentiel de la sécurité des traitements", dénonce la revue qui les exhorte à agir, et à ne pas attendre trente ans, comme pour le Mediator.Source : Le Monde, AFP et Europe 1