Le bio résiste-t-il à la crise ?

le marché des produits biologiquesLa santé du marché des produits biologiques a longtemps été insolente : en dix ans, celui-ci a quadruplé. Aujourd'hui, il pâtit de la crise et sa croissance ralentit. L'appétence des consommateurs pour le bio est cependant bien là, entretenue par une offre de plus en plus diversifiée et accessible. La filière agricole française, elle, reste peu développée. Tour d'horizon.

Un marché devenu plus mature

Le marché du bio se porte bien. En 2011, selon l'Agence Bio, il a ainsi augmenté de 10 %, à 4 milliards d'euros ; ce qui fait qu'en dix ans, il a quadruplé ! Cependant, si les ventes de produits biologiques continuent de progresser au rayon alimentaire des grandes surfaces, leur croissance a tendance à nettement s'essoufler. Sur six mois à fin août 2012, le chiffre d'affaires réalisé par les aliments bio en GMS progresse ainsi de seulement 1,9%, contre 10,9% au semestre précédent, note SymphonyIRI. Le bio, qui n'avait pas été atteint par la crise de 2008, n'échappe visiblement pas cette fois à la mise sous surveillance de leur budget quotidien par les ménages. « Pris par les contraintes de pouvoir d'achat, les consommateurs sont en situation d'attente et font moins monter en gamme leur panier. Ces arbitrages influent sur le bio », analyse Jacques Dupré, directeur « insight » chez SymphonyIri. Ce phénomène ne pourrait cependant n'être qu'une « parenthèse ». « Les consommateurs expriment toujours des envies d'acheter des produits plus responsables. Aux acteurs du secteur de trouver le moyen de convaincre les plus sensibles au thème », juge Jacques Dupré.

Une offre très accessible

L'accessibilité des produits bio est l'un des éléments qui pourrait jouer en leur faveur. Tandis que les enseignes spécialisées sont devenues plus conviviales, la grande distribution traditionnelle offre aux acheteurs toute une gamme de produits biologiques. Certaines, comme Intermarché, misent même spécialement sur les produits bio en développant les références, et en les plaçant dans les rayons aux côtés des marques conventionnelles nationales. De son côté, Auchan avec son Coeur de Nature, a choisi de consacrer des supermarchés exclusivement au bio. Les hard-discounters ne sont pas en reste : Dia vient ainsi d'étendre sa gamme avec 11 nouvelles références à son nom, ce qui porte le total à plus d'une cinquantaine de produits. Et au côté des grandes surfaces (80 % des ventes), il existe d'autres modes de distribution très divers : de la vente directe en passant par les Amap (associations pour le maintien d'une agruculture paysanne) aux paniers portés à domicile, sans parler du développement de la consommation en restauration collective.

Des consommateurs fidèles

En moyenne, 4 Français sur 10 consomment des produits bio au moins une fois par mois, selon le baromètre de l'institut CSA réalisé pour l'Agence Bio fin 2011. Cette part est à peu près stable, mais les fidèles du bio en consomment de plus en plus, que ce soit par égard pour l'environnement ou par crainte des produits chimiques, ce qui explique que le marché, bien que de plus en plus mature, continue à se développer. Ce qui les inciteraient à en acheter encore plus ? Des prix moins élevés, mais aussi davantage de garanties sur l'origine locale et régionale des produits, ainsi que sur leur faible empreinte carbone.

Des agriculteurs pas très bio

Les agriculteurs français restent encore réticents à se lancer dans le bio. Tout d'abord parce que l'agriculture bio offre des résultats plus aléatoires que l'agriculture classique, tout en étant plus contraignante. Ensuite parce que, du label à la certification en passant par les appellations d'origine, les agriculteurs disposent de tout un tas d'autres options pour se différencier et vendre leurs produits plus chers. Enfin parce que les organisations professionnelles ont tardé à s'investir dans l'aide au développement du bio, trop éloigné des intérêts commerciaux des coopératives qui ont longtemps vécu en bonne partie sur la vente d'engrais et de pesticides. Du coup, L'agriculture biologique peine à dépasser les 3% de la surface agricole utile (SAU) française, même si les hectares bio ont fait un bond de 63% depuis 2008, selon l'Agence Bio. La France ne vient encore qu'au 19e rang en Europe. Des progrès techniques restent à faire pour le lever les réticences des agriculteurs.

Source: ELSA DICHARRY pour Les Echos.fr