QUAND LE TRAVAIL NOCTURNE NUIT AUX FEMMES…

TRAVAIL DE NUIT ET RISQUE DE CANCER DU SEINConsidéré comme probable cancérogène en raison de son effet perturbant sur le rythme biologique, le travail de nuit entraîne chez les femmes un risque accru d'environ 30% de cancer du sein, selon une étude française publiée en début de semaine (18/06).

Mise en évidence du lien

Le travail de nuit serait un facteur de risque de cancer du sein, au même titre que certaines mutations génétiques, qu’un âge tardif à la première grossesse ou encore que les traitements hormonaux. C’est en tout cas ce que viennent de démontrer des chercheurs de l'Inserm dans une grande enquête de population sur l’impact du travail nocturne sur la santé des femmes réalisée entre 2005 et 2008. L’étude baptisée CECILE a comparé le parcours professionnel de 3000 femmes. Parmi elles, 1200 avaient eu un cancer du sein pendant cette période et 1300 n’avait pas eu cette maladie.Des études antérieures avaient déjà montré, notamment sur des populations d’infirmières, un lien entre le travail de nuit et le risque de développer une tumeur mammaire. Ce travail, publié dans l'International Journal of Cancer [1], confirme donc ces résultats et les précise. Le risque de cancer du sein était augmenté de 30% chez les femmes ayant travaillé de nuit par rapport à celles qui avaient eu une activité professionnelle diurne. Une augmentation qui peut être considérée comme « plutôt légère mais significative d'un point de vue statistique », indique M. Guénel, qui a dirigé l'étude de l'Inserm publiée dans l'International Journal of Cancer. De plus, ce risque évolue en fonction de la durée et du rythme de travail. « Le risque est encore plus élevé chez celles dont le rythme de travail était de moins de 3 nuits par semaine, avec des décalages du rythme jour/nuit plus fréquents », précise Pascal Guénel.

Un risque plus accrus chez les futures mères

Enfin, ces chercheurs ont montré pour la première fois que ce risque de faire un cancer du sein était augmenté de 50% chez les femmes ayant commencé à travailler de nuit, avant d’avoir eu une première grossesse à terme. Les auteurs expliquent ce phénomène par le fait que, avant une 1ère grossesse, les cellules de la glande mammaire ne sont pas complètement arrivées à maturation. Et les cellules non matures sont plus vulnérables aux effets cancérogènes extérieurs.

Perturbations de l’horloge biologique

Autre indication, ce n’est pas le travail de nuit en lui-même ou sa pénibilité qui serait à l'origine de ces cancers du sein. Plusieurs hypothèses sont avancées. La principale serait que le travail de nuit entraîne des perturbations du rythme circadien, c’est-à-dire de notre horloge interne, celle qui gère l’alternance veille-sommeil. Une horloge qui régule plusieurs fonctions biologiques de l’organisme. Par exemple, chez les femmes avec un rythme jour/nuit très changeant, alternant travail de nuit et travail de jour sans réelle régularité, cette désorganisation du rythme circadien peut entraîner des perturbations du cycle hormonal.Autre piste, les individus qui travaillent la nuit restent exposés à la lumière plus longtemps, ce qui réduit la sécrétion de mélatonine. Cette hormone du sommeil, stimulée normalement en l’absence de lumière, est connue pour ses effets anti-cancérigènes. Enfin, les troubles du sommeil provoqués souvent par ces changements de rythme jour/nuit pourraient affaiblir le système immunitaire.L'étude de l'Inserm a révélé d'autres surprises. Les auteurs ont observé que 11% des femmes avaient travaillé de nuit à un moment quelconque de leur vie professionnelle. Un pourcentage qui est en augmentation depuis la loi du 9 mai 2001. En effet, jusqu’à cette date, le travail de nuit des femmes était interdit sauf dérogation. Mais les hommes qui travaillent de nuit mettent, eux aussi, leur santé en danger. Plusieurs études ont déjà été publiées ou sont en cours et s’intéressent au sujet. Des chercheurs travaillent d’ailleurs sur l’impact du travail de nuit sur le cancer de la prostate. D’après Pascal Guénel, les premiers résultats iraient dans le même sens, c’est-à-dire vers un risque accru de cancer de la prostate.

Un risque qu’il faudra prendre en compte

Néanmoins, l’épidémiologiste tien à relativiser ces résultats. Un tel accroissement signifie que le « risque relatif » est de 1,3 alors que « par comparaison le risque relatif de cancer du poumon chez les fumeurs est de dix ». Mais le risque lié au travail de nuit est « du même ordre de grandeur » que d'autres risques connus de cancer du sein comme les mutations génétiques, l'âge tardif de la première grossesse ou les traitements hormonaux.« On ne sait pas bien quel type de travail de nuit est le plus péjoratif pour la santé, mais cela pourrait être un vrai problème de santé publique qu’il faudra prendre en compte à un moment donné. », souligne Pascale Guénél.Source : Le nouvel observateur[1] Florence Menegaux, Thérèse Truong, Antoinette Anger, Emilie Cordina-Duverger, larida Lamkarkach, Patrick Arveux, Pierre Kerbrat, Joëlle Févotte, Pascal Guénel (2012) Night work and breast cancer: A population-based case-control study in France (the CECILE study) DOI: 10.1002/ijc.27669