La maigreur pathologique est programmée chez l'individu

Maigreur pathologique programmée

Des chercheurs viennent pour la première fois de mettre en évidence une cause génétique à la maigreur pathologique, associée à un risque de mortalité élevée. Ces travaux, publiés mercredi dans la revue Nature, montrent le rôle d'un excès de gènes sur une région du chromosome 16 déjà connue pour être liée à l’obésité.

On savait déjà que cette région, située sur le bras court du chromosome, ne présente pas toujours un nombre stable de copies des 28 gènes qui la composent. La grande majorité des gens possède deux exemplaires de chaque gène de cette région, l'une transmise par la mère et l'autre par le père. Mais certains individus -1 sur 2500- n’en présentent qu’une copie, et un sur 2000 en a trois.

L'étude, qui a porté sur 100.000 personnes, montre que les personnes porteuses de trois copies de cette région présentent une maigreur importante, voire extrême. Les adultes concernés ont jusqu'à 20 fois plus de risque que la population générale d'être en sous-poids, que l’on définit par un indice de masse corporel inferieur à 18,5. Est par exemple considérée excessivement maigre une femme mesurant 1m60 pour 40 kg. Chez l'adulte des deux sexes, "à 40 kg, la mortalité est aussi élevée que chez des gens qui font 100 kg", explique le Pr Froguel, qui a conduit les travaux. C'est la première fois qu'une cause génétique de la maigreur pathologique, associée à une maigreur élevée, est identifiée.

L’équipe internationale, composée de chercheurs du laboratoire Génomique et maladies métaboliques (CNRS/ Université Lille 2/Institut Pasteur de Lille), de l'Imperial College, de l’Université de Lausanne, avait déjà découvert en 2010 que l’anomalie inverse, à savoir n’avoir qu'une copie de ce fragment du chromosome 16, pouvait expliquer 1% des obésités sévères.

Les chercheurs pensent donc que les gènes en excès de cette région augmentent la sensation de satiété. De fait, la moitié des enfants porteurs de cette duplication sont en sous-poids et ont beaucoup de mal à s'alimenter. Ils peuvent souffrir d'un trouble du développement et peser à 4 ans le poids d'un enfant d'un an et demi, précise le Pr Froguel.

Sur les 100.000 personnes étudiées, les chercheurs ont identifié 138 porteurs de l'anomalie. "Dans un tiers des cas, cette mutation était absente chez les parents et dans les deux tiers restants elle était héréditaire", note le Pr Froguel. La région du chromosome 16 concernée par ce phénomène de duplication comprenant 28 gènes, la prochaine étape consistera à identifier lequel a un impact sur l'appétit et le poids. Il pourrait s'agir d'un seul gène ou de l'association de plusieurs d'entre eux.

Ce travail démontre par ailleurs que si certains gènes d'une même région génétique sont présents en excès (trois copies) ou de manière carencée (une seule copie), cela peut conduire par un « effet miroir » à des conséquences pathologiques inverses - ici le sous-poids ou l'obésité.